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Hemp vs Industrial Hemp : vocabulaire international

Clarification des termes utilisés dans la filière chanvre à l’international

Le mot chanvre semble simple. Et pourtant, lorsqu’il traverse les frontières linguistiques, il devient un véritable casse-tête sémantique. Hemp, industrial hemp, cannabis sativa, marijuana… Ces termes, employés différemment selon les pays, dissimulent des nuances légales, culturelles et économiques qui façonnent la perception mondiale de cette plante millénaire.
Sous un même nom botanique se cache une mosaïque de sens, où la langue, la loi et l’histoire s’entremêlent.


🧬 Une même espèce, plusieurs réalités

Sur le plan botanique, tout part de la même plante : Cannabis sativa L.. C’est elle que les textes scientifiques nomment universellement, qu’elle soit cultivée pour ses fibres, ses graines ou sa résine.
Mais au fil du temps, selon les usages, les civilisations ont donné à cette plante mille visages et presque autant de noms.

Dans les langues européennes, le mot chanvre (du latin cannabis) s’est transmis presque intact : hemp en anglais, hanf en allemand, cáñamo en espagnol, canapa en italien. Tous désignent historiquement une même plante, longtemps cultivée pour ses fibres et ses cordages.
Mais dès le XXᵉ siècle, la prohibition a bouleversé le lexique. Aux États-Unis, on a commencé à distinguer “hemp” (chanvre agricole) et “marijuana” (cannabis psychotrope). En France, on a gardé un seul mot — chanvre — mais en restreignant son usage à la sphère agricole ou industrielle.

Ainsi, Hemp désigne le chanvre industriel, pauvre en THC, destiné à la fibre, à la graine, au CBD ou à d’autres usages non psychotropes.
Marijuana, terme d’origine mexicaine popularisé dans les années 1930 pour alimenter les campagnes de prohibition, s’est imposé dans les discours américains pour désigner le cannabis récréatif ou médical.
Enfin, Industrial hemp, expression plus récente, s’est imposée dans les textes législatifs pour lever toute ambiguïté entre agriculture et usage récréatif.

Dans les faits, ces expressions traduisent des visions du monde différentes : l’Europe parle volontiers de chanvre industriel dans un cadre agricole et patrimonial, tandis que l’Amérique du Nord distingue hemp (légal, économique) de cannabis (contrôlé, médical ou récréatif).


⚖️ Un langage façonné par la loi

La géopolitique du chanvre commence par la sémantique. Le mot hemp n’a pas toujours eu la même portée : avant 1937, il désignait simplement une plante agricole utile. Après le Marihuana Tax Act américain, il est tombé dans l’ombre du mot marijuana, devenu synonyme de criminalisation.

Ce n’est qu’en 2018, avec le Farm Bill, que le terme industrial hemp a retrouvé son sens premier. La loi définit le chanvre comme toute variété de Cannabis sativa L. contenant moins de 0,3 % de THC, réhabilitant ainsi son statut agricole. Cette réforme a ouvert la voie à une renaissance spectaculaire de la culture du chanvre aux États-Unis, passée de quelques centaines d’hectares à plus de 30 000 en seulement deux ans.

En Europe, la distinction repose sur le même seuil — 0,2 à 0,3 % de THC selon les pays — mais la terminologie diffère. La réglementation communautaire parle de variétés de chanvre inscrites au catalogue commun des espèces agricoles, sans jamais employer le mot cannabis, jugé trop sensible politiquement.
Cette nuance lexicale a permis au chanvre européen de se développer sans les stigmates associés à la drogue, notamment en France, où la culture n’a jamais été totalement interrompue.

En Asie, le lexique est encore plus ancien et révélateur.
Au Japon, le mot asa (麻) évoque depuis des millénaires la pureté et la fibre : les vêtements sacrés des prêtres shintô étaient tissés de chanvre. Le mot taima (大麻), lui, renvoie au cannabis récréatif, interdit depuis 1948.
En Chine, ma (麻) est le caractère originel du chanvre textile, tandis que dama (大麻) — littéralement « grand chanvre » — désigne les variétés à usage médical ou psychotrope.
Les mots changent, mais la logique reste la même : distinguer le sacré et l’utile du récréatif et du réglementé.


📜 Le poids de l’histoire

Le langage du chanvre est aussi le miroir de son destin historique. Dans les pays maritimes, hemp a longtemps symbolisé la puissance navale : les marins britanniques disaient “hemp is the sailor’s gold” — « le chanvre est l’or du marin ».
En Russie, konoplya désignait à la fois la fibre et la culture traditionnelle, base des cordages du tsar Pierre le Grand. En Inde, le mot bhang désigne depuis des siècles la préparation rituelle issue du chanvre, consommée pendant les fêtes religieuses.

Les mots du chanvre racontent des civilisations. En français médiéval, on disait chenevière pour désigner le champ de chanvre, mot devenu toponyme dans tout le territoire.
Ainsi, le lexique du chanvre est un véritable atlas linguistique : chaque langue a conservé un fragment de sa relation à la plante — textile, médicinale, spirituelle ou économique.


🏭 Le poids des mots dans l’industrie

Dans le commerce international, la précision terminologique est devenue cruciale. Les douanes, les laboratoires et les organismes de certification doivent s’appuyer sur des termes exacts.
Ainsi :

  • Le code 5302 du Système harmonisé de désignation des marchandises correspond aux fibres de chanvre brut ou peigné (hemp fibres).
  • Le code 1207.99 désigne les graines de chanvre non torréfiées destinées à l’alimentation ou à l’extraction d’huile.
  • Le terme CBD hemp extract s’est imposé dans les industries cosmétique et pharmaceutique pour indiquer que le cannabidiol est extrait d’une variété légale.

Mais au-delà du langage commercial, les mots dessinent des imaginaires.
Hemp évoque la durabilité, la naturalité, l’écologie. Cannabis reste empreint de controverse. Entre ces deux pôles, les marques choisissent leur position : certaines revendiquent fièrement le mot cannabis pour son authenticité, d’autres préfèrent hemp pour rassurer les consommateurs et les autorités.

L’industrie du chanvre, aujourd’hui mondialisée, se bat donc sur deux fronts : celui de la matière — et celui des mots.


🌱 Vers un langage mondial du chanvre

Alors que la filière se mondialise, la standardisation du vocabulaire devient un enjeu essentiel. Les organismes de normalisation comme l’ISO et le CEN travaillent à harmoniser les définitions techniques : composition des fibres, teneur en cannabinoïdes, procédés d’extraction.
Cette convergence linguistique facilitera les échanges commerciaux, la recherche scientifique et la reconnaissance internationale du chanvre comme ressource durable.

Mais au-delà des normes, il y a un enjeu culturel. Redonner au mot hemp — et à son équivalent chanvre — sa pleine dignité, c’est réparer un siècle de confusion.
Car derrière les différences de langue, c’est toujours la même plante : une tige robuste, une graine nourricière, une fibre noble, un symbole d’équilibre entre nature et culture.

Du hemp américain au chanvre français, du ma chinois au asa japonais, c’est une seule et même racine — celle d’une plante universelle qui relie les continents par ses fibres et par ses mots.
Un langage commun s’écrit peu à peu : celui d’un chanvre réhabilité, porteur de sens, d’histoire et d’avenir.