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THCV, CBG et autres cannabinoïdes secondaires

Atlas des molécules méconnues du chanvre

On connaît bien les deux stars du chanvre : le THC, souvent associé à ses effets psychoactifs, et le CBD, devenu synonyme de relaxation naturelle. Mais derrière ces deux têtes d’affiche se cache un monde fascinant de molécules discrètes que la plante produit en plus petite quantité : les cannabinoïdes secondaires.

Ils sont plus de cent vingt, parfois à l’état de traces, mais chacun joue un rôle unique dans la personnalité chimique du chanvre. Ces composés moins connus — comme le CBG, le CBC, le THCV ou encore le CBDV — contribuent à ses arômes, à ses effets subtils et à ses potentiels bienfaits.
Aujourd’hui, la science redécouvre leur importance : ces « secondaires » pourraient bien être les fils cachés du grand récit du chanvre.


🌱 D’où viennent ces cannabinoïdes « secondaires » ?

Tout commence dans la plante, avec une molécule-mère appelée CBGA (acide cannabigérolique).
On pourrait la comparer à une graine chimique, le point de départ d’où vont naître, sous l’action d’enzymes naturelles, plusieurs familles de cannabinoïdes : THCA, CBDA, CBCA

Lorsque la chaleur entre en jeu — par le soleil, le séchage ou la combustion — ces formes acides se transforment :

  • le THCA devient THC,
  • le CBDA devient CBD,
  • le CBCA devient CBC.

Ces transformations se poursuivent ensuite au fil du temps :
le THC s’oxyde lentement en CBN, le CBD peut évoluer en CBE, et la lumière peut modifier le CBC en CBL.

Autrement dit, le chanvre est un véritable laboratoire vivant : ses molécules changent, se transforment et s’adaptent selon la température, la lumière ou la maturité de la plante.
C’est ce jeu de métamorphoses qui crée la diversité du monde cannabinoïde.


🔬 Les familles principales, expliquées simplement

Les scientifiques classent ces molécules en familles selon leur structure et leur origine. Voici les principales, traduites en langage clair :

  • Famille CBG : c’est la base de tout. Le CBG et son acide précurseur, le CBGA, sont à l’origine des autres cannabinoïdes. On l’appelle souvent la “molécule mère”.
  • Famille CBD : comprend le CBD et ses variantes comme le CBDV (version à chaîne plus courte) ou le CBDP (chaîne plus longue).
  • Famille THC : autour du THC, on retrouve le THCV (plus léger), le THCP (plus puissant) ou le THCH (encore expérimental).
  • Famille CBC : moins connue, mais essentielle pour les arômes et certaines interactions biologiques.
  • Famille CBN : issue du vieillissement du THC, elle représente les cannabinoïdes “mûrs”.
  • Familles CBL, CBE, CBT, CBF : plus rares, elles résultent de réactions chimiques naturelles de lumière ou d’oxydation dans la plante.

Chacune de ces familles raconte une histoire de transformation — un peu comme des branches issues d’un même tronc.


🌿 Portraits de dix molécules clés

1. CBG – la fondatrice

Le CBG (cannabigérol) est le point de départ de tous les autres. Il agit dans la plante comme une molécule “pivot”.
Chez l’humain, il est étudié pour ses effets calmants, digestifs et équilibrants, sans effet planant.
Son goût légèrement herbacé et amer attire les fabricants d’huiles ou d’extraits “neutres”.

2. CBC – le discret sensoriel

Le CBC (cannabichromène) est souvent présent à des doses modestes, mais il pourrait jouer un rôle dans l’effet d’entourage, c’est-à-dire la synergie naturelle entre cannabinoïdes.
Certaines recherches suggèrent qu’il interagit avec des récepteurs liés à la perception de la douleur ou à la régénération cellulaire, mais ces pistes restent exploratoires.

3. CBN – la molécule du temps

Le CBN (cannabinol) apparaît lorsque le THC vieillit.
On le retrouve souvent dans des extraits anciens ou mal conservés.
Il a longtemps été décrit comme sédatif, mais son effet “apaisant” provient surtout de la transformation progressive du THC.
Il sert aussi d’indicateur de la qualité ou de l’ancienneté d’un produit.

4. THCV – le varin énergique

Le THCV (tétrahydrocannabivarine) est une version “courte” du THC : sa chaîne latérale comporte trois atomes de carbone au lieu de cinq.
Cette petite différence change tout : ses effets ne sont pas euphoriques mais plutôt stimulants et régulateurs.
On le trouve surtout dans des variétés africaines ou asiatiques de chanvre.

5. CBDV – le cousin du CBD

Le CBDV (cannabidivarine) est le cousin direct du CBD.
Non psychoactif, il est étudié pour ses propriétés sur le système nerveux, notamment dans le cadre de troubles neurologiques.
Son profil chimique est stable et il résiste bien à la chaleur.

6. CBL – l’enfant de la lumière

Le CBL (cannabicyclol) se forme naturellement lorsque le CBC est exposé à la lumière.
On le retrouve dans les extraits anciens ou vieillis, et il suscite l’intérêt des chercheurs pour ses effets encore méconnus mais prometteurs.

7. CBE – le produit de l’air

Le CBE (cannabielsoïne) résulte de l’oxydation du CBD au contact de l’air.
On en trouve de petites quantités dans certains produits stockés longtemps, ou lors d’extractions mal maîtrisées.
Il illustre la fragilité du CBD, qui évolue selon les conditions de conservation.

8. CBT – la série des énigmes

Le CBT (cannabitriol) n’est pas une seule molécule, mais un groupe de composés très proches, aux structures complexes.
Découverts dès les années 1960, ils restent mal compris, mais leur potentiel biologique intrigue les chercheurs.

9. THCP – la surprise du siècle

Découvert en 2019, le THCP (tétrahydrocannabiphorol) a une chaîne plus longue que le THC classique.
Résultat : il se lie plus fortement aux récepteurs CB1 du cerveau.
Cette puissance théorique n’en fait pas un produit courant — on le trouve en quantités infimes dans la plante — mais il fascine la recherche pharmaceutique.

10. THCH & THCB – les nouveaux venus

Encore plus rares, le THCH et le THCB ont été isolés récemment à l’état de traces.
On ignore encore leurs effets exacts, mais leur découverte montre combien le potentiel chimique du chanvre reste inexploré.


🧪 Comment la plante fabrique-t-elle ces molécules ?

Les gènes et les enzymes du chanvre décident de la quantité de chaque cannabinoïde produit.
Certains cultivars privilégient le CBG ou le CBD, d’autres développent davantage de THC ou de varines.
La température, la lumière, le temps de récolte et même le stockage influencent aussi la composition finale.

Lors de l’extraction, la méthode compte :

  • le CO₂ supercritique préserve mieux les cannabinoïdes sensibles,
  • l’éthanol extrait un spectre plus large,
  • tandis que les hydrocarbures légers révèlent des profils aromatiques intacts mais exigent une purification stricte.

En somme, un même champ de chanvre peut donner des extraits très différents selon la façon dont on le transforme.


⚗️ Pourquoi ces molécules intéressent la recherche ?

Parce qu’elles pourraient expliquer la complexité des effets du chanvre.
Au lieu d’agir seules, elles semblent se renforcer mutuellement, un peu comme les instruments d’un orchestre.
C’est ce qu’on appelle l’effet d’entourage : l’idée que le tout est plus puissant que la somme de ses parties.

Certaines de ces molécules interagissent avec des canaux sensoriels, d’autres avec des enzymes, ou encore avec des récepteurs nerveux autres que CB1 et CB2.
Leur étude ouvre donc la voie à une médecine plus fine, mais aussi à des applications industrielles : extraits fonctionnels, cosmétique ciblée, agriculture régénérative…


🌍 Un patrimoine chimique vivant

Les cannabinoïdes secondaires rappellent que le chanvre n’est pas qu’une plante à fibres ou à bien-être : c’est un écosystème moléculaire.
Chaque molécule raconte une facette de son histoire évolutive, depuis les hautes vallées de l’Himalaya jusqu’aux laboratoires contemporains.
Les chercheurs, aujourd’hui, ne font que redécouvrir un langage chimique ancien que les civilisations humaines ont longtemps côtoyé sans le connaître.